Un peu plus sensible chaque année
Paris Match Suisse |

Benno Widmer est en charge à Berne de l’inflammable question des restitutions d’œuvre d’art aux Etats d’origine.
C’est une personnalité discrète et réservée, mais qui pourrait tout d’un coup se retrouver sur le devant de la scène à Berne: Benno Widmer, responsable de la section Musées et Collections à l’Office fédéral de la culture depuis deux ans. Il dirigeait auparavant les bureaux Art spolié et Transfert international des biens culturels. En d’autres termes: tout ce qui concerne la propension actuelle à envisager la restitution aux Etats africains, asiatiques et sud-américains des chefs-d’œuvre qui n’auraient peut-être jamais dû quitter leur sol.
Cette tendance à la restitution est perceptible depuis des années. On sent toutefois qu’elle n’attend que quelques circonstances bien médiatisées pour monter en puissance. Des dispositions internationales régulièrement appliquées permettent aujourd’hui déjà d’obtenir le rapatriement de biens culturels acquis illégalement (vols, fouilles sauvages en particulier). Bien des Etats d’origine veulent cependant aller plus loin. Il n’est pas sûr que les arguments juridiques puissent résister longtemps.
En France, un rapport diffusé en novembre dernier à la demande du président Macron confirme qu’il n’y a aucune difficulté à assimiler rétrospectivement les pratiques de la période coloniale à du pillage. Ce pavé n’a pas soulevé de grandes indignations. D’autres étapes de sensibilisation sont toutefois prévisibles cette année.
Benno Widmer a une double formation de juriste (Bâle, Genève) et d’historien de l’art (Bâle, Londres). Il suit de près tout ce qui se dit et se fait dans ce domaine. En particulier le transfert en Suisse, au Musée des Beaux-Arts de Berne, de l’importante collection allemande Gurlitt. Soigneusement expurgée des œuvres confisquées dans les années 1930. C’est précisément la longue expérience de restitutions dans ce contexte historique particulier qui laisse penser aujourd’hui qu’un élargissement à la période coloniale pourrait très vite devenir légitime. Sous pression croissante des principaux intéressés bien entendu.
