La reine Doris
Paris Match Suisse |

Une pluie d’hommages pour la «Reine Doris», titre royal décerné, en démocratie, par la presse et les politiques, pour une fois unanimes. Que dire de plus? Le départ du gouvernement de Doris Leuthard a donné lieu à une débauche de compliments qui ne s’est plus vue depuis des décennies et jamais pour une femme. Assurément, cette «grande figure suisse du XXIe siècle» populaire de bout en bout, est un cas d’école, un «brand», une marqueteuse du grand art. Douze ans de règne et pas l’ombre d’une fatigue. Un instinct politique et des batailles gagnées en série. Un plaisir évident à gouverner, qui se voyait et a sans doute assombri son départ. Et finalement, un charme éblouissant, dont elle a joué avec science. Elle a connu des obstacles mais jamais d’échecs. C’est ainsi, Doris Leuthard était faite pour la lumière.
La politique n’a pas toujours choyé les femmes et sa carrière rompt avec une longue série de destins contrariés. La première conseillère fédérale a dû démissionner sous les lazzis. Ruth Metzler a été froidement écartée. On a souvent reproché aux autres d’être pas assez ou trop. Cérébrale pour Ruth Dreifuss. Perso pour Micheline Calmy-Rey, embourbée dans les sables libyens. Effacée pour Eveline Widmer-Schlumpf, qui n’a jamais fait oublier son élection contestée. Doris Leuthard n’a pas été la seule politicienne brillante, compétente, volontaire. Elle est l’unique à faire l’unanimité. C’est qu’elle avait une image, soignée, ripolinée.
A l’heure du bilan, on se souviendra qu’elle a sorti le pays de l’atome, après Fukushima, L’intendance suivra! Que son œil de velours savait aussi fusiller celles et ceux qui barraient son chemin. Mais avec charme! Ainsi va la politique. On redira surtout qu’elle a fait du bien au pays et qu’on lui devra peut-être d’avoir, à nouveau, trois femmes au gouvernement dans quelques mois.
La Suisse n’est pas faite pour les têtes qui dépassent et rares sont les exceptions à cette règle. Doris Leuthard en était. En France, elle serait Marianne dans les mairies, à Hollywood Boulevard, elle aurait sa main dans le ciment, ailleurs des putti la conduiraient au firmament. En Suisse, tout est plus simple. «J’espère que j’ai bien fait mon travail», a-t-elle lancé, l’œil humide, au moment de sa sortie. «Ja, sie waren toll», a résumé le Blick. Oui, vous étiez cool!
