Pierre Maudet : l’impensable !
Paris Match Suisse |
Le président du Conseil d’État avoue aujourd’hui avoir caché une partie de la vérité sur son voyage dans le Golfe.
Dans un roman, l’intrigue aurait paru grossière. Dans la vraie vie, celle de la République et canton de Genève, l’impensable est pourtant arrivé. Pierre Maudet trébuche sur l’avant-dernière marche du pouvoir, celle qui devait le conduire au Conseil fédéral. Evidemment! Pierre Maudet vacille pour avoir oublié cette règle d’or en politique: il faut surtout se méfier de ses amis.
L’annonce de l’ouverture d’une instruction contre le magistrat a plongé Genève et la Suisse dans la stupeur. Oui la stupeur! Le ministère public a frappé le premier coup. Pierre Maudet a fini par avouer: «J’ai caché une partie de la vérité sur mon voyage dans le Golfe.» Extraordinaire moment de télévision où l’on a vu un homme qui a fauté et que personne n’imaginait dans cette posture.
Derrière l’exploitation graveleuse de l’affaire, derrière la pression médiatique, il y a les faits: le séjour de plusieurs dizaines de milliers de francs, effectué il y a trois ans, avec sa famille et son chef de cabinet, n’était pas privé, mais entièrement pris en charge par le cheik Mohammed bin Zayed al-Nahyan, prince héritier de l’émirat d’Abou Dhabi, monarchie autocrate où les pétrodollars coulent à flots.
Pourquoi l’avoir caché? Pourquoi avoir menti à ses collègues, aux citoyens, à la presse? Pourquoi ces mails effacés? Est-ce là l’erreur d’un l’homme pris dans la spirale du mensonge? Un moment d’égarement d’un magistrat pressé, grisé par le succès? Et quels liens avec cette concession aéroportuaire d’une entreprise émiratie? La justice le dira mais en politique, un mensonge ne s’efface pas.
On découvre à l’occasion de ce tremblement de terre, toute une nébuleuse d’hommes d’affaires et de princes de l’immobilier ou la finance, qui gravite autour des cercles genevois du pouvoir. Ces faux amis encensent, arrosent et invitent, tissant un réseau dans lequel Pierre Maudet s’est pris les pieds. S’est-il laissé grisé par les paillettes et les courbettes, lui l’austère, qui «aime le pouvoir mais pas l’argent» L’histoire est stupéfiante!
Pour l’heure, la présomption d’innocence joue à plein et ce n’est, en l’occurrence, pas un vain mot. Car si l’on voit bien ce que Pierre Maudet est en train de perdre dans cette galère, l’on peine à comprendre quel était son intérêt.
A Genève, dit-on, les hommes de talent se lancent dans les affaires, pas en politique. Il y a des exceptions. Pierre Maudet en est. En était?